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Les discrets avantages fiscaux du CAC 40

Un article d’Alternatives Economiques évoque les avantages fiscaux dont profitent les entreprises, comme les amortissements dégressifs ou la déduction fiscale des intérêts d’emprunts…

l’article d’Alter Eco

Le Medef se plaint du taux d’impôt sur les bénéfices de 33 % en France. Mais se garde bien de mentionner tous les autres avantages fiscaux dont profitent les entreprises, comme les amortissements dégressifs ou la déduction fiscale des intérêts d’emprunts…

On trouve des choses intéressantes, voire très intéressantes, dans les annexes du dernier rapport du « Conseil des prélèvements obligatoires » − un organisme supervisé par la Cour des Comptes −, intitulé « Entreprises et niches fiscales et sociales »[1]. D’abord, une information, déjà publiée dans Alternatives Economiques pour les années antérieures, et qui indique quel est le montant effectif de l’impôt sur les bénéfices payé par les sociétés du CAC 40. Théoriquement, ce taux devrait être de 33 % : en 2009, il était inférieur à 25 % dans 15 cas (dont 2 seulement justifiés par un résultat net négatif), tout comme en 2008 et à peine moins qu’en 2007 (16 cas), alors que les résultats cumulés de ces entreprises atteignent ou dépassent désormais les 100 milliards d’euros. Augmenter de quelques points le prélèvement fiscal effectif permettrait − sans rien changer au taux normal de 33 % − de récupérer quelques milliards d’euros. Le rapport suggère plusieurs pistes à cet égard, notamment celle consistant à supprimer la déduction fiscale de 5 % sur les dividendes reçus par une maison mère en provenance de ses filiales, instaurée soi-disant pour compenser le coût de gestion de ces dividendes, et qui réduit les rentrées fiscales d’environ 1,5 milliard chaque année.

On apprend par ailleurs que le régime des « amortissements dégressifs » représente un peu plus de 5 milliards d’euros. Ce régime permet à une entreprise qui investit de majorer le montant de ses amortissements d’un certain pourcentage (de 75 % à 175 %, selon la durée légale d’amortissement pour les immobilisations concernées), de manière à amortir plus vite les dépenses d’équipement auxquelles elle a procédé. Les amortissements étant considérés comme une charge, leur montant est déductible du résultat, ce qui permet une réduction d’impôts sur les bénéfices d’un tiers de la majoration autorisée. Certes, ce qu’une entreprise économise une année se traduira par moins de charges, donc plus d’impôts, les années suivantes car, bien évidemment, on ne peut amortir plus que le coût de l’équipement. Mais si l’entreprise utilise la diminution d’impôts pour financer un surplus d’investissements amortissables l’année suivante, elle peut ainsi financer ce surplus en partie grâce aux économies d’impôts et ainsi pérenniser l’avantage fiscal. Le dispositif a été conçu justement pour inciter les entreprises à investir.

Le calcul est facile à effectuer. Supposons que le coefficient moyen de majoration soit de 100 % : cela signifie que, en l’absence d’amortissement dégressif, les entreprises auraient affiché un résultat fiscal supérieur de 2,6 milliards d’euros, donc auraient dû payer près de 900 millions d’impôts en plus. Mais ce n’est pas le plus intéressant. On apprend que, en Allemagne, la réduction du taux d’imposition des bénéfices des sociétés (passé à 25 % en 2007) avait des contreparties, notamment la suppression du système des amortissements dégressifs, ce que le patronat français, qui met en avant la baisse du taux d’imposition allemand, se garde bien de dire. A l’heure où il est question d’aligner le système fiscal français sur l’allemand, voilà une idée dont on aimerait qu’elle soit reprise.

Mais le bouquet concerne les intérêts d’emprunts : considérés comme des charges, ils viennent en déduction du résultat final, donc réduisent d’autant le montant de l’impôt sur les bénéfices. Dès lors, une entreprise a intérêt à s’endetter plutôt qu’à réinvestir ses bénéfices pour financer des investissements ou l’acquisition d’une autre entreprise : elle paye certes le coût de l’emprunt, mais déduisant celui-ci de ses bénéfices, un tiers de leur montant est économisé. Ce qui explique la politique des grandes entreprises cotées en Bourse qui préfèrent distribuer en dividendes la quasi-totalité de leurs bénéfices après impôts et s’endetter pour financer leurs investissements.

Or, dans certains pays (Italie, Allemagne), cette déductibilité a été plafonnée : en Allemagne, ce fut une autre contrepartie de la baisse de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (en plus de la suppression de l’amortissement dégressif indiqué plus haut). L’annexe du rapport sur « les modalités dérogatoires de l’imposition des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés » indique que, si la solution allemande avait été appliquée en France, elle aurait permis de majorer de… 11 milliards d’euros en 2008 le montant des recettes fiscales. Sans compter que, en sollicitant davantage l’autofinancement, cette solution aurait sans doute permis d’améliorer la solidité des entreprises concernées en réduisant leur endettement.

Il ne s’agit pas d’assommer les entreprises, mais d’instaurer des règles qui mettent fin à des avantages injustifiés dont on ne parle jamais. En cela, le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires est très utile.

Article publié le 22 octobre 2010.


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